_ GESTALT _ group show _ commissariat marion bataillard _ à cent mètres du centre du monde, centre d'art contemporain de Perpignan _ 2022
avec Jean-Michel Alberola, Étienne Armandon, Marion Bataillard, Fabien Boitard, Cécile Brigand, Sylvie Fajfrowska, Henriette Grahnert, Yann Lacroix, Matthias Ludwig, François Mendras, Laurent Proux, Robert Seidel, Elené Shatberashvili
La peinture figurative – oui, mais laquelle ?
Nous jouons ici le corps contre l’image. Le corps au sens processuel, architectural, relationnel.
Que leurs surfaces soient léchées, frottées ou tartinées, les peintures réunies ici pourraient avoir en commun une certaine manière de figurer. C’est que ce ne sont pas des images d’images. Elles font image, oui - mais seulement in fine. Juste ça. Les figures y sont des corps avant d’être des images. Et que sont les corps ? Des structures, des ensembles de rapports, des formations.
Des coordonnées dans l’espace.
Ces peintures peuvent être lyriques ou étonnantes ou bizarres. Mais si elles évoquent un ailleurs, elles sont ancrées ici. Rigueur d'un édifice, souplesse d’un geste, imminence d’une dislocation. De par leur densité proprement picturale elles nous arriment à leur présence et à la nôtre. Il s’en dégage une sensualité construite, tenue, éventuellement émue - de laquelle on jouit lentement.
Le monde est là, nous en recevons les signes. Nous ne sommes ni formalistes ni esprits désincarnés. Nous sommes une conscience agissante.
Figurative painting – yes, but what kind ?
Here we're playing body against image. Body in the sense of processes, architectures and relations.
Whether their surfaces are licked, rubbed or slathered, the paintings gathered here could have in common a certain way of figuring. They are not images of images. They are indeed images, but only ultimatly so. Figures are bodies before being images. And what are bodies ? Structures, collections of connections, formations.
Coordinates in space.
These paintings may be lyrical or surprising or bizarre. But if they evoke an elsewhere, they are still rooted right here. Rigor of an edifice, suppleness of a gest, imminence of a dislocation. Due to their pictoral density, they anchor us both to their presence and to ours. They emanate a constructed, held, and eventually moving sensuality – which slowly climaxes.
The world is here; we receive its signs. We are neither formalists nor disincarnated spirits. We are a consciousness in action.
_ NOUS QUI DÉSIRONS SANS FIN _ group show _ commissariat marion bataillard _ galerie jeune création _ fondation fiminco romainville _ 2019
avec Ellen Akimoto, Diane Benoit du Rey, Nicolas Blum Ferraci, Bertrand Dezoteux, Valentina Dotti, Cecilia Granara, Alice Guittard, Johann Nöhles, Simon Pasieka, Baptiste Rabichon, Simon de Reyer, Ariane Yadan, Marion Bataillard
I. DIALECTIQUE
LA POULE — La vie est affreuse !
LE MOINEAU — Pourtant mon amie, tu l’aimes autant que moi !
LA POULE — Par quelle vilaine mécanique sommes-nous rendus à tenir à cette odieuse !
LE MOINEAU — Ah tu y vas un peu fort ! Ne jouis-tu pas de ses douceurs aussi !
LA POULE — De douceur je ne vois que promesse !
LE MOINEAU — Mais vivre cette promesse, n’est-ce pas déjà un bien en soi !
LA POULE — Une servitude, oui ! Une fumisterie !
LE MOINEAU — Je t’accorde un peu d’amertume ! Mais entends-tu donc que nous devrions être souverains sur la vie !
LA POULE — Nous courrons comme des ânes après des carottes !
LE MOINEAU — N’est-ce pas une vision fabuleuse ! Les carottes sont magnifiques ! D’un orange vif, et bien charnues ! Le ciel de l’aube ! Et la course de l’âne, malgré tout !
LA POULE — Tu n’es pas sérieux !
LE MOINEAU — Je le suis ! On est la course, autant qu’on est celui qui court !
LA POULE — Mais voici le paon qui veut nous dire quelque chose !
LE PAON — Mes amis ! Le détachement ! Le détachement est notre seul salut !
LA POULE — Il dit vrai je le crains, c’est dans la mort que réside notre liberté !
LE PAON — Non dans la mort, mes amis, mais dans la fin de l’aliénation ! Ne plus vivre sous le joug du désir !
LE MOINEAU — Mais le désir, c’est la vie !
LE PAON — Le désir n’est qu’une projection ! Il nous prive du contact avec le réel !
LE MOINEAU — Le réel n’est rien s’il n’est pas animé !
LE PAON — Animé de tourments ! Vous croyez saisir, et ne faîtes que souffrir ! Accueillez la vérité !
LE MOINEAU — Ta vérité n’est qu’un idéal de déprimé ! Tu as peur de vivre, voilà tout !
LE PAON — C’est se rendre la vie invivable que de tendre toujours vers une promesse ! Je ne fais que partager avec vous cette sagesse, mes ami.e.s ! Je ne souhaite que vous épargner les errances que j’ai enduré pour y accéder !
LA POULE — Mais cette idée du détachement est encore une promesse ! Ériger ce principe en loi, c’est vouloir en récolter les fruits ! C’est un désir !
LE MOINEAU — Ne t'en vas pas, paon ! C’est un noble désir, à bien y penser ! Mais sa logique-même nous mène à considérer nos désirs comme une part du réel, avec laquelle il convient de composer !
LA POULE — Laisse-moi poursuivre une pensée parente ! L’ultime objet de désir, c’est le réel !
LE MOINEAU — Et notre ultime réalité, c’est nous ! Nous désirant !
LA POULE — En désirant le réel, c’est donc notre désir que nous désirons !
LE MOINEAU — Sommes-nous condamnés à flirter avec le réel sans jamais pouvoir le connaitre !
LA POULE, rêveuse — Ah, le flirt ! Ah, la connaissance ! Je ne sais pas si nous sommes bien avancés, mais la température est montée d’un cran !
Depuis un moment déjà, un chat s’approche discrètement de nos trois amis. Hors de leurs vues, mis en appétit par le moineau, il attend l’occasion de bondir. Il salive déjà à l’idée de la chair tendre et des petits os croquants sous ses dents. Il s’amuse de leur agitation. Le paon s’éloignant, le chat replie ses pattes jusqu’à ce que son ventre touche terre, mais le voici soudain arrêté dans son projet friand. La musique des piaillements enjoués de nos oiseaux, entrant en résonance avec le vent dans ses poils et l’ombre mauve de la colline plus loin, créé en lui une émotion troublante que d’aucuns appelleraient esthétique. Il se trouve surpris par ce plaisir qu’il n’attendait pas. Il s’élance pour ébaucher son geste de chasse, mais sa pensée est ailleurs. Le moineau s’envole vivement, la poule regarde le chat d’un air circonspect, le paon n’a rien vu. Toujours ému par cette grâce imprévue, le chat dans sa fierté se dit qu’après tout, cela valait bien un repas. Le soleil a maintenant atteint l’autre face de la colline, et le vent souffle doucement. La poule va pour libérer son fondement de l'oeuf qui le gonfle à présent, le paon balaye devant sa porte, le moineau picore des graines et des petits vers.
II. WHAT ?
Embrasement, rêverie, farce, révulsion, renoncement, ardeur à nouveau. Ode ayant survécu à son auto-critique, cette exposition rassemble les oeuvres de treize jeunes artistes. Leurs oeuvres ont été choisies autour de la notion de désir, entendu comme élan vital, avec ou sans objet. L’exposition se propose comme mise en scène et exploration arbitraire de cette notion, dans ses aspects possiblement psychanalytiques autant que politiques, sexuels autant qu’existentiels. Peinture, photographie, sculpture, image digitale, vidéo. La figure humaine y est référente, sa conscience d'elle-même, et son rapport de préhension ou de tension avec l’espace. On y apprendra tout ce que l’on sait déjà ; on la visitera comme on visite une chanson.
III. PLAÇONS-NOUS UN MOMENT SOUS L’ÉGIDE DE CETTE CITATION
« Comment ce peuple à la sensibilité si vive, si impétueux dans ses désirs, si exceptionnellement doué pour la douleur, aurait-il supporté la vie, si elle ne lui était apparue sous la forme des dieux, dans le rayonnement d’une gloire suprême? L’instinct qui a créé l’art, complément et accomplissement de l’existence, destiné à nous persuader de continuer à vivre, c’est le même instinct qui a donné naissance au monde olympien où la «volonté» hellénique s’aperçoit transfigurée comme en un miroir. Ainsi les dieux justifient la vie humaine en la vivant eux aussi - c’est la seule théodicée suffisante. [...] Au degré Apollinien de ce développement, la volonté réclame si impétueusement l'existence, l’homme homérique s’identifie tellement à elle que la lamentation elle-même devient un hymne à la louange de la vie. »
Nietzsche, in La naissance de la tragédie
Texte Marion Bataillard et Johann Nöhles
_ J'AIME _ group show _ carte blanche à marion bataillard _ galerie henri chartier _ lyon _ 2018
avec Henni Alftan, Matthieu Cherkit, Bertrand Dezoteux, François Mendras, Marc Molk, Nicolas Nicolini, Johann Nöhles, Apolonia Sokol, Marion Bataillard
J’aime les peintures d’Henni Alftan.
J’aime les peintures de Mathieu Cherkit.
J’aime les films de Bertrand Dezoteux.
J’aime les peintures de François Mendras.
J’aime les peintures de Marc Molk.
J’aime les peintures de Nicolas Nicolini.
J’aime les images de Johann Nöhles.
J’aime les peintures d’Apolonia Sokol.
J’aime qu’elles proviennent d’une matrice intérieure.
J’aime qu’elles modélisent le monde en partant de zéro.
J’aime qu’elles aient quelque chose de rudimentaire.
J’aime qu’elles ne supposent aucune étendue au-delà d’elles-mêmes.
J’aime qu’elles se donnent comme se donnent les dieux : en se retirant.
J’aime qu’elles soient drôles sans être parodiques.
J’aime qu’elles visent une première fois.
J’aime qu’elles soient un peu candides.